vendredi 3 avril 2009

Les Bourbines et l'Histoire suisse


Ouais, au premier abord, c'était mission impossible. Et, pourtant, fallait bien une fois empoigner le taureau par les cornes, et quel bovidé... Sans revendiquer un quelconque côté kamikaze, le challenge titillait depuis belle lurette. Aller taquiner les casques à boulons au lieu du goujon, ça s'apparente à de l'audace, voire à de la vanité, c'est presque David contre Goliath. Un bataillon de Welches contre une légion de Bourbines. Un rapport de force qui n'a évidemment jamais plaidé en faveur de la Romandie et rien n'a changé depuis, bien au contraire.

Le mardi 1er août 1291, à 12h30 au clepsydre d'Altdorf, donc en plein apéro, trois compères bien sous tous rapports, Arnold de Melchtal, Walter Fürst et Werner Stauffacher, éclusent un gorgeon dans leur estaminet préféré. Après moult pintes, Arnold, quelque peu anaphylactique à la cervoise, commençe à prendre des couleurs et à manifester une certaine excitation, au demeurant fort compréhensible. En effet, l'arrogance et l'insolence des baillis autrichiens lui donnent la migraine depuis fort longtemps et il n'arrive plus à contenir son indignation et sa colère. Soudain, il sort de sa réserve légendaire et tonitrue: camarades, nous devons nous affranchir du joug étranger, nous voulons retrouver la liberté. Ses deux acolytes tout aussi émoustillés acquiescent avec enthousiasme et, partant, ils conviennent de se réunir secrètement avec chacun dix coreligionnaires sur la prairie du Grütli. Ainsi, à la nuit tombée, les 33 complices décident de sceller un pacte pour libérer les trois vallées d'Uri, Schwytz et d'Unterwald et de vivre ou mourir en hommes indépendants.

Avec le recul nécessaire, on ne peut que s'incliner devant une philosophie aussi lumineuse qui n'a pas pris une seule ride jusqu'à ce jour: faire le ménage, traquer les parasites, écraser les mites: en résumé, éradiquer les corps étrangers, pardon les colonisateurs. Une résolution très simple, mais en fait des plus gonflées. A l'époque, avoir l'outrecuidance de s'attaquer aux Habsbourg conduisait tout droit au cachot ou le plus souvent à l'échafaud. Malgré cela, nos valeureux ancêtres ont su prendre leurs responsabilités. Ni Wilhelm Tell, ni Winkelried ne pourront nous contredire. L'arbalète et la hallebarde. Deux symboles très forts, honteusement négligés et ignorés par les notables de l'époque et les générations futures. Mais n'oublions pas pour autant: si nous avons aujourd'hui du chocolat, de l'Emmental, des Swatch, quatre langues nationales, une monnaie unique au monde, un nouveau président chaque année et quelques banques grabataires et moribondes, c'est bien grâce à eux. Merci les Waldstätten. Vous nous avez rendu des services précieux et inestimables. Les bouquins d'histoire ne vous oublieront jamais. L'UDC non plus.

Et pourtant, plus de sept siècles après, force est de constater que les Romands et les Tessinois n'ont peut-être pas réalisé la meilleure des opérations. Bon, ils ont tout de même attendu quelques centaines d'années avant de faire le pas en direction des Stobirnes. 1803 pour les Topios et les Maffiosi et une dizaine d'années plus tard pour les autres. Ah, j'allais oublier les professionnels de la damassine qui fêtent cette année leur trois décennies de souveraineté. Au passage, on ne manquera pas de lever un pichet à leur santé. Quant aux Dzodzets, c'était déjà en 1481, mais vu leur penchant prononcé pour fondue moitié-moitié et le Swchiizertüütsch, on comprend plus facilement ce choix anticipé.

Revenons à notre Sarine, à nos sardines et même à nos brebis, galeuses ou pas. Jusqu'à la fin du 18e siècle, l'Helvétie comptait treize sociétaires, tous d'obédience teutonne. Donc un groupe homogène qui aurait, logiquement, dû s'entendre comme larrons en foire. On supposait que tel était le cas. Eh bien, on avait tout faux.

Le jeudi 22 mars 1798, à 11h15, (juste avant l'apéro), les révolutionnaires français transforment la Suisse "une et indivisible" en une "République helvétique" calquée sur la "Grande nation" française. Plus de Confédération, plus de cantons, plus de caquelon, plus de flacon, plus de valeurs ancestrales traditionnelles, plus rien. Ainsi, au siècle des Lumières, notre pays devient une contrée de... contrastes. Ainsi se succèdent inévitablement complots, machinations, insurrections, villes contre campagnes, protestants contre catholiques, pauvres contre riches, (ce n'était pas nouveau et cela n'a guère évolué), crève-la-faim contre patriciens, en fait tous les ingrédients d'un cocktail explosif qu'il a fallu rapidement neutraliser. La gabegie et l'anarchie chez les Bourbines. Incroyable mais vrai. Autres temps, autres mœurs. Et voici que le Premier Consul Napoléon Bonaparte se pointe avec son bicorne et son cheval blanc car il en a sérieusement marre des incartades et extravagances répétées de ses voisins.

Le samedi 19 février 1803, à 13h30(juste après l'apéro), il signe l'Acte de Médiation qui rétablit la Confédération suisse. A cette occasion, il intègre six nouveaux alliés et sujets, portant ainsi le nombre des cantons à 19. Et, outre quatre suisse allemands, on enregistre l'arrivée du premier véritable romand, Vaud, et du Tessin. Le début d'une nouvelle ère. Après la pagaille semée par les Totos, l'Helvétie retrouve un peu de calme. D'autres contrées francophones vont bientôt rejoindre le consortium pour le plus grand bien de la nation. Tout va bien dans le meilleur des mondes. On sirote du chasselas et du pinot noir, on gueuletonne autour d'un modzon à la broche en regardant les étoiles et en évoquant l'éternité: on voit enfin la vie en rose. Et pourtant les antagonismes ne vont pas manquer de provoquer des hostilités de plus en plus fréquentes pour déboucher sur la Guerre du Sonderbund. Un amalgame de religion, de politique, de prolétaires, de nantis, de Bourbines et de Welches, ces derniers faisant très pâle figure avec comme uniques plénipotentiaires les bergers du Chablais et les armaillis de la Gruyère. Tous les acteurs de cette grotesque farce s'entre-déchirent à qui mieux mieux en novembre 1847, jusqu'à ce que le général Guillaume-Henri Dufour réussisse à mâter les insurgés catholiques l'année suivante, date de la première Constitution fédérale. La plus ancienne démocratie du monde venait de voir le jour.

Mais, paradoxalement, c'est le début des désillusions, le début de la fin. La mainmise totale des Schleus de ce côté-ci de la Sarine était déjà programmée. En s'acoquinant avec les casque à boulons on courrait droit à la faillite. Deux langues dissemblables, deux cultures opposées, deux mentalités divergentes, deux mondes hétérogènes et, pour couronner le tout, une barrière de röstis. Tous les ingrédients d'un assaisonnement contre nature ont été réunis, sans penser que les futures agapes réuniraient des communautés disparates qui n'auraient jamais dû être regroupées et seraient donc contraintes de tremper leur fourchette respective dans le même caquelon. Heureusement le bon sens et la sagesse légendaires des Helvètes ont su s'imposer au fil des ans et créer un consensus par-dessus la"frontière" naturelle de la Confédération.

Et les temps modernes sont arrivés avec leurs lots d'intrigues et d'embrouilles dignes de l'époque. Les Bourbines ne se sont jamais privés de faire étalage de leur... quantité du moment qu'ils n'ont pas la qualité. Compenser la médiocrité par la force. Opposer des notions germaniques à des concepts latins. Dicter la loi au lieu de consulter les autres. Pour preuves, l'appropriation de nombreux postes clés au sein de l'administration fédérale, sans oublier toutes les votations fédérales qui ont mis souvent en exergue le clivage entre les deux régions linguistiques du pays. Les Ja-Sager et les Nein-Sager. Les bien-pensants et les mal-pensants. Les réformateurs et les conservateurs.

Bon sang, Romands, réveillez-vous ! Secouez-vous ! Affutez les baïonnettes, sortez les canons et montez aux barricades ! Ne restez plus sous le joug teuton et à la merci de toutes leurs prises de position arbitraires ! Un million de Welches c'est cinq fois plus que Monaco, Andorre, St-Marin et le Liechtenstein réunis. Donc bien assez pour s'affranchir de la Berne fédérale et créer un gouvernement souverain et indépendant vivant en autarcie totale grâce à .... la roulette, au bandit manchot et au black jack! Le Rocher d'Albert le Vert vous rappelle quelque chose ?

Une idée qui peut paraître saugrenue, farfelue, voire utopique. Et pourtant, il y a fort à parier qu'elle séduirait plus d'un quidam. En 1978, lorsque le canton du Jura a vu le jour suite à un plébiscite du peuple, d'aucuns se gaussaient d'avance en ne lui donnant que de maigres chances de survie: manque d'infrastructures, économie à la traîne, industrie peu développée et tutti quanti. Trois décennies plus tard, sa situation est tout aussi favorable et prospère que celle de la plupart de ses congénères. Et tout cela sans petits ni gros casinos. Moralité: quand on veut on peut et la fin justifie toujours les moyens. La proclamation de la Romandie en tant qu'entité autonome serait finalement un formidable défi à relever, une réponse cinglante au dédain et à l'arrogance des Suisses allemands, auxquels nous céderions volontiers les germanophones valaisans et fribourgeois. Resterait juste à gommer au préalable et surtout après coup les divergences et autres discordances récurrentes au sein des cantons romands. Et c'est là que le bât blesse et qu'il continuera malheureusement de causer encore longtemps des dommages et des préjudices au nom de la souveraineté cantonale.

Mais demain est un autre jour...

2 commentaires:

  1. L'auteur a choisi un thème délicat et marécageux où il ne fait pas bon s'aventurer. Il y a tout d'abord les clichés: C'était il y a pas si longtemps: Le romand, il est léger!!! Que signifie ce mot pour les bourbines? Que le romand travaille moins que le suisse allemand, il fait plus souvent la noce aussi. C'est faux sur toute la ligne. Le welsch travaille autant si ce n'est plus que le bourbine et les beuveries existent bel et bien chez eux aussi. Le premier boteillon officiel a bien eu lieu à ZH!! La différence, c'est simplement que nous n'avons pas la même mentalité. A respecter des 2 côtés. Le romand mange différemment, baise et pense aussi autrement que le casque à boulons. Actuellement, il y a des changements au niveau des jeunes suisses allemands, ils se définissement comme étant multiculturels, donc ils sont ouverts à plusieurs cultures et au monde. Fini le grincheux bourbine des années 1930-1950. La relève est bien différente, plus soft aussi à vivre pour un romand de l'autre côté. Ensuite, plus le niveau intellectuel est élevé, comme les universitaires, plus l'entente entre les 2 parties du pays est facile. L'intelligence de l'Homo Sapiens permet de survoler et de surmonter ces obstacles. Les votations fédérales futures prouveront que le clivage s'amenuise entre les 2 entités, il y aura toujours moins de NEINSAGER. Le processus est engagé définitivement et rien ne pourra l'arrêter.

    Saint-Exupéry a dit: Ce qui fait la beauté des choses est invisible!!

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  2. On n's'comprend pas, mais on s'entend bien :-)

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