mardi 31 mars 2009

Le pape et la capote



Il fallait le faire. Il l'a fait. Se foutre en pétard avec la terre entière après trois ans de règne prudent et pondéré sur la Curie. Pour une capote, un condom quoi. En fait, il s'agit ni plus ni moins d'une incursion arrogante et insolente chez les défenseurs de la pérennité de la race humaine, alors qu'un esprit conciliateur et surtout une retenue de rigueur s'imposaient à plus d'un titre. Une simple incurie ou une volonté manifeste de nettoyer les écuries, à l'instar de celles d'Augias à une autre époque ? On se perd en conjectures. Par quel diptère a-t-il été piqué ? Comment s'est-il fourré dans un tel guêpier ? Le messie de l'ère moderne, le rédempteur des âmes égarées, le théologien à la science quasi infuse, s'est totalement fourvoyé. Une bourde monumentale, que dis-je, kolossal !!! Le teuton a pété un plomb. Le 17 mars, avant de poser ses traditionnels escarpins de cuir rouge sur le sol africain, il a affirmé haut et fort que le fléau du sida ne pourra pas être réglé par la distribution de préservatifs et qu'une telle mesure ne fera qu'aggraver le problème. Pour lui, la solution est très simple: un réveil spirituel et humain ainsi que l'amitié pour les souffrants.

Vous avez ouvert les yeux tout grands ? Vous avez bien lu ? Vous avez réussi à décrypter les subtilités de la sagesse papale ? On fait un effort pour écarquiller les quinquets et surtout on essaie de reprendre ses esprits. Un individu, et pas n'importe lequel, sensé avoir une intelligence et une clairvoyance supérieures au commun des mortels se permet de débiter des inepties dignes d'un charlatan d'arrière-boutique. Sans être absolument accro des afro, il me semble que la notion de bienséance et de savoir-vivre a été superbement ignorée, voire méchamment bafouée. Quant aux retombées diplomatiques, politiques et surtout humanitaires, elles vont naturellement faire de nombreuses vagues. Le pape, lui, n'en a visiblement rien à branler, c'est le cas de dire. Compte tenu de son âge, on n'en doute pas un seul instant.

Et, pour enfoncer le clou, ne voilà t-il pas, à peine débarqué à Yaoundé, qu'il réclame la gratuité des soins pour les malades du sida. Le cordonnier mal chaussé ? L'arroseur arrosé ? Le sommet de l'hypocrisie, rien d'autre. Apparemment, malgré son érudition, le proverbe "mieux vaut prévenir que guérir" n'a jamais figuré dans ses priorités ou lui est tout simplement inconnu. Moult gouvernements, organisations et personnalités politiques n'ont pas manqué de fustiger de tels propos considérés comme révoltants et balancés dans un contexte des plus explosifs. Une bombe à retardement qui ne fera, au plus, qu'égratigner très superficiellement le Vatican habitué aux scandales à répétition depuis la nuit des temps.

Le cardinal Joseph Aloïs Ratzinger était, soi-disant, un théologien pur et dur, mais progressiste. Le 265e pape, en l'occurrence Benoît XVI, est, à coup sûr, un rétrograde, un conservateur, un réactionnaire. Qui oserait affirmer le contraire à part certaines de ses ouailles ? On le savait fervent gardien de la foi, dogmatique en d'évidentes circonstances, quelque peu pourfendeur des autres religions. C'était le "Panzerkardinal" comme l'ont affectueusement surnommé des médias irrités par sa rigueur et son intransigeance. Lorsque la fumée blanche est sortie de la Chapelle Sixtine, le mardi 19 avril 2005 à 17h54, la terre entière, hormis quelques athées, païens et autres mécréants, espérait assister à l'éclosion d'une nouvelle lignée de souverains pontifes, ouverte aux innovations et réceptive aux aspirations du monde moderne. On s'est fourré le doigt dans l'œil jusqu'à l'omoplate, et même bien plus loin.

Un début de règne affable, réservé, discret, en finalité presque trop parfait pour être honnête serait-on tenté de dire. Par respect au boss de l'Église catholique on aurait voulu éviter de le mettre dans ses petits souliers, rouges évidemment. Et pourtant il le mérite à plus d'un titre. Sa rhétorique de haut vol n'a servi qu'à jeter de l'huile sur le feu. Pourquoi remettre une nouvelle bûche sur le brasier africain, pourquoi attiser les rancœurs et frustrations de tout un continent ? Au nom de Dieu ! Eh oui, c'est, de notoriété publique, bien lui qui a envoyé sur terre son rejeton J.-C., décédé dans des circonstances dramatiques il y a 20 siècles déjà, après avoir présidé à la naissance officielle d'un nouveau culte. Culte de la tiare et de la soutane. Culte des papes et des sous-papes. On connait la suite avec les innombrables et endémiques guerres de religion, les croisades, l'Inquisition et certainement encore beaucoup d'autres absurdités et aberrations, jusqu'à la récente réhabilitation d'un évêque intégriste négationniste. En bref, le christianisme est à l'origine de dommages considérables tous azimuts et il ne va certainement pas s'arrêter en si bon chemin. A l'heure actuelle il persiste et signe. Navrant, affligeant, désolant.

Bon. La critique est aisée et l'art est difficile. Avec sa fameuse locution proverbiale, Philippe Néricault Destouches avait marqué la pensée de ses contemporains et, plus de trois cents ans après, également la nôtre. Au risque de se répéter, les attaques gratuites ou fondées contre le Saint-Siège se doivent de rester dans des limites décentes, ne serait-ce que par égard à ses représentants loyaux et sincères, même s'ils n'incarnent certainement qu'une maigre fraction de la congrégation. Et tous les autres, me direz-vous? Doit-on les classer dans la catégorie des vicieux, des libertins, des dépravés, voire des pervers ou bien faut-il encore leur accorder la présomption d'innocence ? On hésite, d'autant plus que l'immunité totale qui a prévalu jusqu'à ces dernières années au sein de l'église catholique ne parle pas en faveur des porteurs de chasubles. Bien au contraire.

Le culte excessif du secret et la volonté doctrinaire de tout dissimuler ont toujours été les deux mamelles du catholicisme. Lorsqu'on apprend que chaque évêque nommé cardinal doit promettre au pape de ne rien dévoiler sur tout ce qui pourrait nuire à l'Eglise, on saisit mieux les tenants et aboutissants de la question. Un curé qui a défroqué après une décennie de bons et loyaux services pour devenir psychiatre a officiellement déclaré que le fait de réassigner un prêtre pédophile dans une paroisse revient à vouloir soigner un alcoolique en lui offrant un job de barman. La comparaison se passe de tout commentaire.

Moralité: au lieu de condamner publiquement l'utilité universellement reconnue du condom, le dirigeant du plus petit état souverain du monde aurait mieux fait, tout d'abord, de balayer devant sa porte, puis de procéder au toilettage de ses cerbères et, enfin, d'entreprendre le décapage de tout son bercail. Un vaste programme qui fait sourire ou rêver, c'est au choix. Benoît Sixtine n'étant visiblement plus concerné, son successeur est d'ores et déjà attendu au coin du bois. Et il y a fort à parier que, après deux infidélités successives, les séides et autres zélateurs de la Botte mettront tout en œuvre pour qu'un Rital remonte sur le trône.

Mais demain est un autre jour...

3 commentaires:

  1. Excellent article. Bien vu. Ce pape rétrograde ne fait que décapiter la capote et les fidèles qui seront atteints du HIV. Nous sommes retournés en l'an II avant J.-C. De plus, il a remis la messe en latin à l'ordre du jour. Il déconne plein tube, c'est un mauvais polar, le cauchemar. La plupart des fidèles regrettent Jean-Paul II. Ces derniers diminuent régulièrement depuis plusieurs décennies, mais cette fois, encore plus rapidement, à la vitesse grand V. Amen.

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  2. Je ne connais pas Tintindoctodure. Toutefois, force est de constater que ses 5 articles sont super bien ficelés. Est-il écrivain ou reporter? Il manie à la perfection la plume ou plutôt le clavier, en toute objectivité, pour le moment.

    Hasta la vista.

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